Rapport d’Alex Uberti, chef de projet pour le Centre Wiesenthal-Europe et Verbe & Lumière-Vigilance
Pollica (Italie), septembre 2023
Après son projet pilote de juillet 2022, la deuxième édition du camp de formation pour jeunes « Building DiverCity » s’est déroulée ce mois-ci à Pollica (province de Salerne, Italie).
Alex Uberti présentant l’atelier sur l’antisémitisme, et avec des participants.
Ce camp de formation a été organisé, sous les auspices de l’Unesco, par la Coalition internationale des villes inclusives et durables (Iccar), en collaboration avec le Centre Simon Wiesenthal-Europe, avec le soutien de l’Unar (Office national italien contre la discrimination), Paideia Campus (affilié au Future Food Institute), Verbe & Lumière-Vigilance et la ville de Pollica, qui représente elle-même un exemple unique de durabilité.
Les jeunes participants – ainsi que les experts et mentors invités – représentaient un large éventail de diversité ethnique, culturelle et religieuse... Ils étaient venus de pays tels que la France, l’Italie, l’Autriche, la Suède, la Finlande, l’Albanie, la Moldavie, Chypre, Israël, la Turquie, l’Inde, le Maroc, le Cameroun, le Mozambique, le Canada, le Mexique, le Brésil et l’Uruguay. Tous étaient uniques, donc égaux. Chacun appréciait la diversité de l’autre, avec un respect mutuel.
La préoccupation générale était la montée de la discrimination et de la haine dans le contexte mondial actuel, d’où l’intention de façonner des politiques plus tolérantes dans les villes, les universités et la société en général. Le programme de formation comprenait des ateliers thématiques sur le racisme systémique, l’inégalité entre les sexes, l’antisémitisme, l’islamophobie, la discrimination anti-LGBTQI+ et anti-Roms... mais aussi, l’évolution du droit international et des politiques locales, la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, la collecte et l’analyse de données, la modération des réseaux sociaux, etc.
L’année dernière, lors du camp de formation inaugural, le directeur des Relations internationales du Centre Wiesenthal, Shimon Samuels, s’était concentré sur l’antisémitisme en tant que fil déclencheur d’autres formes de discrimination et sur la nécessité de renforcer la solidarité entre victimes, en particulier pour contrer la montée des théories du complot.
Cette année, Alex Uberti, chef de projet européen du Centre, a présenté les aspects historiques et contemporains de l’antisémitisme. Il a exposé la persistance des préjugés anti-juifs et décodé la sémantique de « l’antisionisme » ainsi que la terminologie moderne de la haine.
La discussion sur l’antisémitisme a en fait commencé par un exercice d’intersectionnalité : M. Uberti a mentionné le cas d’un militant d’extrême droite qui a brûlé un Coran à Stockholm. Cet acte « résonne pour les Juifs car, en 1933, les nazis ont commencé par brûler des rouleaux de la Torah et des livres juifs. De même, le rejet des réfugiés rappelle la conférence d’Évian de 1938. Le fait de stigmatiser aujourd’hui les étrangers comme boucs émissaires fait penser aux accusations de meurtre rituel contre les Juifs au cours des siècles passés. L’incitation à la haine et le génocide de 1992 au Rwanda ou la répression brutale, plus récente, contre les minorités rohingya ou yézidie... tous évoquent la propagande nazie et la Shoah. La persécution actuelle des Roms et des homosexuels dans tant de pays rappelle qu’ils ont aussi été victimes de l’Holocauste. »
« Parmi les outils pour éviter la répétition des pages les plus sombres de l’Histoire, il y a l’éducation... d’où l’importance de travailler avec l’Unesco. La définition de l’IHRA – de l’antisémitisme, ainsi que de l’antitsiganisme – est une base essentielle pour les législateurs nationaux, ainsi que pour les politiques locales ou pour les règlements des entreprises, des campus et des clubs sportifs. La surveillance des salons du livre ou des réseaux sociaux par le Centre sont des exemples de bonnes pratiques... Nous devons connaître nos ennemis, dans la mesure du possible, pour pouvoir mieux riposter ! »
Bien que cette semaine intense se soit penchée sur des problèmes mondiaux, tels que l’extrémisme et le sectarisme, la polarisation et les inégalités..., les participants ont également partagé des expériences personnelles déchirantes de discrimination et de violence subies dans leurs propres villes. Par le biais de story circles ou pendant les consultations avec leurs mentors, les jeunes ont partagé leur expérience de l’isolement ou du rejet, mais ils ont également discuté de leur transition vers la sensibilisation et l’engagement dans des initiatives locales qui pourraient devenir des campagnes internationales – de la promotion de l’égalité des sexes dans le nord du Mozambique au dialogue intercommunautaire à Chypre, de la fourniture de soins aux personnes âgées en Moldavie à l’émancipation des femmes au Mexique...
Dans bien des cas, les mots de Simon Wiesenthal ont résonné, en particulier sur la recherche de « la justice, non de la vengeance » et la nécessité de « trouver des amis proches et lointains pour construire des défenses contre la répétition de l’Holocauste ».
Parmi les deux jeunes adultes israéliens, l’un, d’origine indienne, est étudiant en droit à l’université Reichman. En tant que membre de la communauté ahmadie, il a parlé de sa ville natale de Haïfa, un refuge accueillant pour de nombreuses communautés religieuses, souvent persécutées dans les pays voisins : des bahaïs aux ahmadis, des Druzes à un certain nombre de confessions chrétiennes (catholiques, maronites, orthodoxes et protestants). La seconde Israélienne, élevée dans un kibboutz, est une jeune étudiante juive en philosophie, économie et sciences politiques à l’université de Tel-Aviv. Elle est profondément préoccupée par la fausse représentation d’Israël et des Juifs dans les médias internationaux. Ils ont tous deux témoigné de la diversité au sein de la société israélienne et des lois garantissant la liberté de culte et d’expression, dans un contexte régional difficile.
Tous les jeunes ont partagé l’enthousiasme qui régnait au cours de ces journées de dialogue, où de nouvelles amitiés se sont scellées. Ainsi, le réseau qui s’est tissé à Pollica encouragera ses participants à devenir des « médiateurs contre la discrimination » dans leurs propres villes, universités ou lieux de travail. Le Centre Wiesenthal souhaite à ses jeunes amis beaucoup de succès dans cette entreprise !
Parallèlement au camp de formation de DiverCity, la Coalition européenne des villes contre le racisme (Eccar) et l’Unar ont organisé un séminaire, axéprincipalement sur les politiques d’inclusion des migrants et des minorités. Durant deux journées, quatorze villes métropolitaines italiennes se sont ainsi réunies. L’interaction entre les responsables municipaux, les experts de la société civile et les jeunes adultes pour faire face à la crise actuelle des réfugiés en Italie – englobant la démographie, la sécurité, l’éducation et le développement économique – est une étude de cas qui appelle l’empathie.
Reliant l’international au local, les participants à « Building DiverCity » se sont joints aux citoyens de Pollica pour rendre hommage à leur ancien maire, Angelo Vassallo z’’l, assassiné par le crime organisé en 2010. Sa politique environnementale et sociale a défié la haine, la violence et le sectarisme de criminels anonymes. Son exemple inspirera la quête de dialogue, de vérité et de justice de la prochaine génération !
Une vidéo sur ce camp de formation sera bientôt disponible.